Ose porter ton identité
La signification identitaire de ce tableau est élaborée ci-dessous.
Après cette exposition itinérante dans les écoles secondaires
à travers tout l’Ontario français pendant trois ans (2007-10),
ce tableau a été acquis par Jeanne Doucet
pour faire partie de son
Musée de la peinture franco-ontarienne.
En 1963, après avoir vécu en français à Ottawa pendant 16 ans, ma famille déménage dans le Nord ontarien. Mon père décida que pour obtenir un emploi dans la « vraie vie », il devait m’envoyer en 13ème année dans un high school anglais. Adolescente, un âge difficile où l’on se cherche, j’étais malheureuse et je me trouvais très loin du Couvent de la rue Rideau.
À tous les matins, pendant toute une année scolaire, j’ai vécu l’enfer.
À tous les matins avant d’entrer en classe, je baissais la tête, je prenais une grande respiration et je me précipitais sous le poids de l’humiliation jusqu’à mon pupitre.
À tous les matins, pendant un an, dès mon entrée en classe, j’entendais le terrible son du coassement. J’étais la cible, j’étais la « frog ».
Depuis, j’ai eu le temps d’approfondir le vrai sens des mots persistance, bataille, vigilance, conviction et appartenance. Je fais partie de la cinquième génération de souche franco-ontarienne. Je suis loin du Règlement 17, du temps où mon père devait cacher ses livres sous son pupitre avant la visite de l’inspecteur anglais.
Depuis, ma vraie vie se déroule en français, en Ontario. Même à Toronto, dans la métropole anglaise où j’ai vécu pendant vingt-cinq ans, je ne travaillais qu’en français à exercer mon métier de comédienne.
Depuis, la maison d’édition Prise de parole a publié un livre intitulé Des planches à la palette illustrant quarante de mes huiles sur toile inspirées du théâtre franco-ontarien. Je rendais hommage à tous ses artisans et ses créateurs, qui sont loin d’être des citoyens de deuxième classe.
Depuis, lorsqu’on m’invite méchamment à retourner chez moi au Québec, je réponds avec assurance : « Mais, je suis chez moi! . C’est mon droit de vivre ici en français».
Aujourd’hui, j’assume. Je suis la frog. Allez! Coassez! Coassez!
Assise sur son nénuphar dans un marais pétant de vitalité, la grenouille se sent chez elle.
Plutôt que de se cacher, elle ose se dénuder, lever la tête et porter fièrement son identité.